COP21 - Lettre ouverte aux dirigeants du monde

Sept milliards de regards sont tournés vers vous, sans compter ceux des générations futures.

Paris, le 30 novembre 2015,

Aujourd’hui, vous allez vous adresser à la tribune de la COP21 pour dire à quel point le dérèglement climatique est un péril grave et pourquoi cette conférence est unique. Vous avez raison. Il s’agit de la conférence de la dernière chance. Pas pour la Terre, qui s’en tirera toujours, mais pour l’humanité.

Depuis plus de 20 ans, vos prédécesseurs et vous avez brillé par votre inaction, votre manque de discernement et votre attachement maladif à un système éculé. Certes vous n'avez pas rien fait. Vous me direz que l'on n’a jamais autant parlé de la Terre, mais cela est normal car vous avez laissé tous les indicateurs environnementaux se dégrader à des niveaux plus qu'alarmants. Depuis le sommet de Rio de 1992 (j'avais alors 18 ans et la naïveté de croire que vous alliez résoudre le problème), les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 50%. Pas brillant, vous en conviendrez, alors que celles-ci devaient baisser drastiquement. Et je ne vous parle pas de l’état catastrophique de la biodiversité ou de la pénurie annoncée de nombreuses ressources naturelles, menaçant une grande partie des sociétés humaines d’effondrement.

Lorsque vous étiez enfant, vous aviez certainement rêvé d’être président(e). Repensez à cet instant. Repensez aux belles choses que vous vouliez accomplir pour votre pays et la planète. Et bien, dans les deux semaines qui viennent, c’est le moment, avec vos équipes de négociateurs, de vous montrer courageux et d’accomplir ce rêve. Le moment pour vous de laisser une trace indélébile dans l’Histoire est arrivé. Alors, utilisez toute l’énergie dont vous ne manquez certainement pas pour que cet accord soit juridiquement contraignant, pour que l’engagement de votre pays soit le plus élevé possible et pour convaincre vos consoeurs et vos confrères des autres Etats d’en faire de même. Et surtout pour promouvoir un autre modèle d'organisation des sociétés humaines.

Nous, simples électeurs qui vous avons donné notre confiance et que vous représentez, nous exigeons un succès. Il en va de votre légitimité. Devant votre immobilisme, les citoyens se sont déjà mobilisés et un extraordinaire mouvement de réinvention est en train de partout germer. Nous ne vous avons plus attendu. A notre tour, nous voulons donc vous voir en sueur, nous voulons vous voir les traits tirés, nous voulons vous voir épuisés, nous voulons vous voir laminés, pour décrocher cet accord historique, dont nous connaissons la complexité (j'étudie le problème depuis 20 ans) mais pour lequel nous n’accepterons cette fois plus aucune excuse. Sept milliards de regards sont tournés vers vous, sans compter ceux des générations futures.

Certes, cela va vous demander des efforts et de l’énergie pour convaincre vos homologues et vos administrés, mais cela incombe à votre charge. Chacun de nous en aurait fait autant si nous étions là où vous êtes. Dites-vous aussi que cette peine qui vous fait déjà peur est infime par rapport aux souffrances que vous éviterez à l’humanité. Et ne cherchez pas d’excuses en disant qu’il y avait d’autres problèmes plus urgents. Tous ces déréglements, à commencer par le terrorisme, se trouveront résolus si vous développez les valeurs et l'attitude qui permettent de vous attaquer au changement climatique. De plus, l'insécurité d'un monde post-pétrole non-préparé sera bien pire que tout ce que nous avons connu.

Pour que vous puissiez vous engager pour notre futur à tous, mon pays, la France, a déployé depuis plusieurs années tous ses efforts diplomatiques pour créer les conditions favorables à un accord. Maintenant à vous de jouer. Les Français sont épuisés par les attaques qui ont frappé notre sol mais vous ont quand même fourni les conditions matérielles et la sécurité nécessaires à vos débats. Nous n'avons pas reculé face à nos responsabilités, faites-en de même.

Pensez à tout cela. Allez au-delà du show médiatique. Oubliez l’avion privé qui vous attend pour rentrer chez vous. Songez à cet instant historique. Historique vous dis-je, pas pour la photo mais parce qu'il implique pour les générations futures. Ceci n'est plus un jeu. Le bal des menteurs est terminé. Rappelez-vous vos rêves d’enfant. Essayez de croire aux mots que vous allez prononcer. Visualisez et ressentez ces souffrances présentes et à venir. Représentez-vous la pression qui pèse sur vos épaules. Respirez profondément et pensez à tous les souffles qui dépendent du votre. Endossez cette posture de vie ou de mort (la même qui vous a permis de gagner l'investiture et les élections dans votre pays) avant d’entrer dans le cercle des négociations. Changez de regard. Au lieu de penser aux problèmes qui vous attendront chez vous auprès de quelques entreprises et individus si vous allez trop loin, regardez l’humanité et pensez aux problèmes qui l’attendra si vous n’allez pas assez loin. Pensez aux enfants et au monde que vous allez leur laisser.

Si collectivement vous parvenez à un accord très ambitieux vous entrerez dans l’Histoire. L’humanité entière vous encensera comme une classe unique de dirigeants politiques et on se rappellera de vos noms.

Si vous échouez… et bien je n’ose même pas l’imaginer. Pas tellement pour le mépris et la honte qui vous couvriront, mais pour les innombrables vies humaines que vous n’aurez pas su sauver à cause de vos égos et petites contradictions. Alors allez-y, soyez à la hauteur et permettez par cet accord l’émergence d’un autre système, d’une autre histoire, qui, avec ou sans vous, verra le jour.

Jean-Pierre Goux
Ecrivain, simple humain, rêveur et inquiet, qui compte sur vous.

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