Une Autre Histoire

CHAPITRE 1 - BIENVENUE DANS LE SIECLE BLEU

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Ne doutez jamais qu’un petit groupe d’individus
conscients et engagés puisse changer le monde.
Historiquement, c’est toujours de cette façon
que le changement s’est produit.
Margaret Mead.

Les résistants du monde de demain sont déjà là

Alors que les écosystèmes et les liens qui soudent les sociétés humaines se dégradent à une vitesse sans précédent, on assiste partout dans le monde à la montée d’une farouche volonté de vivre autrement ainsi qu’à l’émergence d’une multitude d’alternatives. C’est toujours au pied du mur, du fait de l’action d’une minorité visionnaire, engagée et obstinée, que l’humanité a évolué vers un mode d’organisation et un état de conscience plus élevés. Le monde de l’après-guerre en France a été façonné par le programme du Conseil national de la Résistance ; celui du XXIe siècle sera bâti par les résistants des crises écologiques, sociales et économiques actuelles.

Dissimulée dans le maquis qui cerne notre monde en voie d’uniformisation, cette résistance s’organise déjà et nous promet de révolutionner l’économie, l’agriculture, la ville, l’énergie, le transport, la fabrication, l’éducation, la politique, la finance, le travail, la médecine, notre rapport au monde et à nous-mêmes…

Mères de familles, agriculteurs, ingénieurs, adolescents rêveurs, bricoleurs du dimanche, inventeurs de génie, méditants, militants, médecins, créateurs d’associations, enseignants, membres d’ONG, élus, artistes, artisans, entrepreneurs, mais surtout simples citoyens, ils se mobilisent pour réinventer le monde et bâtir un autre futur. Un futur fondé sur la créativité et l’engagement pour une justice sociale et environnementale.

Des millions d’hommes et de femmes ont cessé de remettre la faute sur les autres, ont arrêté d’attendre que les gouvernements de la planète s’entendent. Ils se sont mis au travail et inventent des solutions au niveau local pour reprendre le contrôle de leur vie et celle de leurs enfants. Et ça marche. Les mentalités évoluent, les comportements changent, parfois à très grande échelle. Tout autour de la planète de nouveaux embryons de solutions éclosent et nous assistons aujourd’hui au plus impressionnant mouvement d’innovation technologique, sociale et spirituelle que l’humanité ait connu. Une mutation plus que nécessaire qui, si elle fonctionne, deviendra comparable aux révolutions agricoles et industrielles dans l’histoire de notre jeune espèce. Le chantier est immense tant il faut tout reprendre à zéro et cela passe avant tout par un changement d’état d’esprit.

Le chemin sera difficile car ce mouvement fragile qui s’efforce d’inventer le monde de demain se heurte déjà à tous ceux qui ont intérêt à nous maintenir dans l’illusion du statu quo et qui s’arcboutent à vendre les décombres de notre maison qui brûle. Jamais la polarisation entre les partisans de ces deux visions du monde n’a été aussi grande.

Ce sera le grand combat de ce siècle unique dont on se rappellera dans des millénaires soit comme du Siècle bleu soit comme du Siècle noir. Siècle bleu durant lequel les hommes seront parvenus à vivre en harmonie entre eux et avec notre petite planète bleue. Siècle noir durant lequel notre espèce aveuglée par son mode de vie aura renoncé à changer, laissant aux générations futures un monde profondément altéré, hautement instable où paix et prospérité deviendront quasiment impossibles à restaurer.

La plupart d’entre nous n’a pas envie d’être associé pour l’éternité à cette génération sans courage, qui aurait renoncé à évoluer par égoïsme, habitude ou aveuglement. Et pourtant, pour beaucoup, nous n’avons pas encore changé, pas encore agi, pas encore choisi le camp d’un futur différent.

Les barrières qui nous retiennent au niveau individuel et collectif semblent insurmontables. Mais, rassurez-vous, la pression pour que cette bascule se produise est également gigantesque. L’enjeu de cette transformation dépasse en effet l’Homme, il est de nature évolutionnaire. Les forces de vie ne peuvent pas se résigner à la sixième extinction promise avec l’Anthropocène. Cette transition concerne et implique tout le règne du vivant.

Cette responsabilité de notre génération peut faire peur tant la tâche qui nous incombe est vaste et les prédictions sombres. Si, au contraire, chaque matin au réveil, nous réalisons la chance de vivre dans ce Siècle bleu charnière, de pouvoir participer à cette grande aventure de transformation, la chance d’appartenir à la génération dont nos enfants et leurs descendants pourraient être si fiers, nous pourrons mobiliser nos plus belles énergies créatrices pour changer ce monde et nous unir autour de cet objectif commun inédit.

Nous pouvons ne rien faire et nous entre-déchirer.
Nous pouvons aussi être les nouveaux résistants.
Siècle bleu ou Siècle noir, à nous de choisir, de changer et d’agir.
Bienvenue dans le Siècle bleu dans lequel nous avons la chance de vivre.

Le mouvement de réinvention – Une multitude de concepts porteurs d’espoir

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Economie positive, économie circulaire, économie du partage, économie du don, économie de la fonctionnalité, économie collaborative, économie contributive, économie symbiotique, éco-économie, économie sociale et solidaire, économie bleue, capitalisme naturel, entrepreneuriat social (social business), sobriété heureuse, décroissance, troc, bonheur national brut, biomimétisme, monnaies locales et complémentaires, banques de temps, consommation responsable, agroécologie, permaculture, microbiologie des sols, bois raméal fragmenté, potager en lasagne, reforestation, AMAP, locavores, circuits courts, bio, végétalisme, véganisme, seed bombing, achats en vrac, jeûne, entomophagie, spiruline, slow, semences libres, grainothèques, compost collectif, poulaillers de ville, éco-pâturage, bio-dynamie, hydroponie, aquaponie, fermes urbaines, jardins partagés, incroyables comestibles, aspersion, micro-irrigation, désalinisation, villes en transition, urbanisme collaboratif, ville contributive, maison passive, éco-quartiers, éco-hameaux, éco-habitats, jardins de pluie, marais filtrants, low tech, énergies renouvelables, coopératives d’énergie, nouveaux matériaux (fullerène, graphène, stanène, carbyne, phosphorène, graphane, germanane, silicène, phosphore noir…), économies d’énergie, stockage d’énergie, smart homes, smart grids, smart cities, LED, vélos urbains, bus électrique, voiture électrique, voiture à hydrogène, véhicule autonome, autopartage, autopartage public, couch surfing, do-it-yourself (DIY), zéro-déchets, durabilité planifiée, recyclerie, repair café, upcyling, gratiferias, boîte d'échange entre voisins (givebox), boîte à livres (book crossing), café suspendu, fablab, makers, impression 3D, découpe laser, creative commons, open software, open hardware (Arduino, Rasberry Pi, littleBits…), open data, open science, open governement, XPRIZE, hackerspace, hackaton, crowdsourcing, financement participatif (crowdfunding), prêt entre particuliers (social lending), finance éthique, investissement à impact social, micro-crédit, coopératives, mutuelles, revenu de base, coworking space, tiers lieu, MOOC, TEDx, Meetup, pédagogie active (Freinet, Montessori, Steiner-Waldorf, Froebel, Reggio Emilia, système finlandais…), méditation à l’école, homeschooling, intelligence collective, design thinking, sociocratie, holacratie, médias positifs, jeu du Tao, débats citoyens, pétitions citoyennes, élections par tirage au sort, civic tech, G1000, G10000 (débat citoyen planétaire), déclaration des droits (et devoirs) de l’humanité, médecines alternatives et complémentaires, médecines traditionnelles, endobiogénie, ethnobotanique, épigénétique, hypnose, psychologie positive, résilience, yoga, méditation transcendantale, pleine conscience, communication inter-espèces, musique sacrée, overview effect…

Portés par une foule de mouvements, de collectifs, d’ONG, d’associations, de coopératives, d’entreprises, d’initiatives individuelles ou citoyennes, aucun de ces concepts pris isolément n’est suffisant pour provoquer une révolution. Mais tous ensemble, s’ils sont adoptés par la multitude, ils peuvent changer radicalement le monde. C’est là que se trouvera la véritable disruption. Cette liste de graines d’espoir, souvent récentes et parfois anciennes, est loin d’être exhaustive et je m’excuse par avance de mes omissions. Il conviendrait en fait de la compléter chaque jour tant la créativité actuelle est grande et les évènements, conférences, colloques, revues, sites Internet, rapports, films, documentaires permettant la dissémination et la fertilisation croisée de ces idées se multiplient. Les ouvrages ou d’études universitaires qui analysent les aspects les plus fondamentaux de la transition sont également légion depuis quelques années.

Sur bien des plans, nous vivons dans une époque terrible, mais, comme lors de l’occupation dans la deuxième guerre mondiale, c’est là que la créativité humaine se libère et que les nouveaux concepts se forgent. Nous assistons partout à l’émergence de réflexions et d’expériences prodigieuses. Ce n’est que le début. Ce phénomène ne se perçoit pas encore à grande échelle, mais, alors que l’ancien monde se nécrose, le monde de demain est bien en germination, en gestation. Comme le dit le proverbe africain : « Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse ». Nous sommes en pleine effervescence et cela ne s’entend pas encore. C’est à la découverte de cette nouvelle forêt que nous allons partir dans cet essai et comprendre aussi comment l’aider à se développer plus rapidement en tenant compte de ceux qui ont intérêt à la détruire.

 

Une boîte à outils à enrichir et à décliner localement

Aujourd’hui un consensus semble se dégager autour de ces tendances pour former le socle d’une autre société fondée sur de nouvelles croissances (centrées sur l’être plutôt que l’avoir) et de nouvelles abondances (culturelles et spirituelles plutôt que matérielles). Des désaccords demeurent néanmoins autour par exemple de la présence de solutions hautement technologiques  dans cette liste. À l’inverse on pourrait reprocher de ne pas y faire figurer bien d’autres technologies en émergence. Cela sera étudié dans un chapitre spécifique de cet essai dédié à l’analyse des vrais critères de durabilité des alternatives technologiques. Les technologies évoluent, certaines ont le potentiel de devenir durables et entreront dans la liste, d’autres – comme la voiture sans conducteur ou les smart cities – pourraient en sortir. On pourrait aussi rétorquer que certains concepts comme l’économie du partage ont déjà été dévoyés. Certains reprocheront enfin l’insertion de concepts économiques fondamentaux, mais jugés trop radicaux par certains pour être explorés, comme la décroissance ou le revenu de base.

Cette liste n’a pas pour objectif d’être fixe, tout ce qui y est peut et doit être discuté. Il ne s’agit pas ici de trancher dans un sens ou dans l’autre mais simplement d’illustrer que les alternatives existent, sont nombreuses et se multiplient à grande vitesse. N’ayons aucun a priori. À nous de les analyser et de les tester.

Plutôt qu’une recette miracle unique à décliner uniformément à travers la planète, ces concepts forment une boîte à outils dans laquelle l’humanité désorientée peut contribuer et puiser pour créer des futurs positifs. Les maux dont souffrent la planète et les populations ne sont évidemment pas les mêmes partout. Ces ingrédients seront donc à décliner et agencer différemment selon les régions du monde, après une analyse fine des situations initiales, dans une démarche comparable à celle de la permaculture. La prise en considération des ressources, sagesses, cultures et savoir-faire locaux, ainsi que la nature particulière et la gravité des problèmes rencontrés (ultra-développement, sous-développement, État failli, guerre…) est fondamentale. De plus un ensemble diversifié de sociétés humaines résistera bien mieux aux crises (naturelles ou sociales) qu’un monde uniforme. La nature, dont la résilience est rudement mise à l’épreuve chaque jour par l’activité humaine, nous l’enseigne depuis des milliards d’années. La diversité est la clef de la véritable durabilité.

Il n’y aura donc pas un seul monde de demain mais une multitude de modes d’organisation envisageables, respectant un certain de nombre de conditions préalables et de valeurs, afin qu’ils soient compatibles entre eux et puissent former un tout divers mais cohérent garantissant la prospérité, la paix et le respect de la planète qui nous accueille.

Une transition à mener sans céder à l’autocongratulation et à l’entre-soi

Pour que le mouvement de transition s’étende, il doit d’abord être connu et ses concepts compris de tous. Vous l’aurez remarqué en parcourant la liste, à part si vous êtes au cœur du mouvement de transition, cela ne va pas de soi et beaucoup de termes semblent être des néologismes cryptiques. Aujourd’hui beaucoup commencent à s’atteler à cet exercice de communication avec intelligence, sensibilité et ferveur mais dans l’effervescence actuelle, le principal risque serait de tomber dans le piège de l’autocongratulation qui empêche toute critique et donc toute amélioration.

Les peuples et les politiques sont tellement en panne d’alternatives que la tentation est en effet grande de vouloir déjà crier victoire. Les porteurs de projets aussi ont cette envie, car ils se sentent souvent bien seuls, fatigués par de longues années de résistance au système. Comme tout pionnier, ils s’épuisent et ont besoin de reconnaissance et de réconfort. Pourtant il est fondamental de rester humble et de ne pas clamer que nous disposons déjà de l’ensemble des solutions et des concepts qui fonderaient ce nouveau monde. Ces fausses promesses constitueraient un grand mensonge et le besoin de véritables alternatives ne peut plus attendre.

L’autocongratulation aurait pour effet d’en rester là dans cette incroyable phase d’invention, d’interdire la critique d’idées qui ne sont pas (encore) bonnes et, pire, ne permettrait pas de remettre en cause des idées en apparence bonnes mais aux conséquences désastreuses, ou, à l’inverse, des idées qui paraissent déastreuses mais qui pourraient être bonnes. On a déjà vu dans l’histoire tant d’utopies virer au totalitarisme, l’écologie ne doit pas être érigée en dogme et toute approche doit pouvoir être critiquée. Enfin, l’autocongratulation limiterait le périmètre de transformation au cercle initial de convaincus qui finira par tourner en rond tout en se privant de l’apport de toutes celles et ceux qui n’ont pas encore pu contribuer à l’élaboration de ces nouveaux futurs.

Le mouvement de transition ne doit pas être replié sur lui-même, il se doit de viser plus loin que la création d’un nouveau Larzac (si belle qu’ait pu être la lutte qui a animé ce plateau, comme le montre très le film Tous au Larzac de Christian Rouaud). Les « off-the-grid » qui ont tout quitté pour vivre reclus, magnifiquement dépeints par Eric Valli dans son ouvrage Rencontres hors du temps, sont inspirants mais ne constituent pas une solution pour les bientôt huit milliards d’humains. Il faut certes que le mouvement crée ses oasis, comme l’appelle magnifiquement le mouvement Colibris, dans lesquels on expérimente et montre à tous la pertinence et la supériorité de ces concepts pour le bien-être individuel et collectif. Mais le mouvement doit garder la généralisation à tous comme objectif, sinon ces ilôts seront un jour détruits par les défenseurs du statu-quo ou une humanité devenue barbare. Des ilôts comme source de résilience et point de départ du renouveau en cas d’effondrement du monde, c’est intéressant mais ce n’est pas suffisant.

La généralisation passe par l’ouverture vers ceux qui dénigrent ce mouvement de réinvention. Il ne doit donc surtout pas fuir la confrontation d’idées avec ceux qui ne partagent pas sa vision mais au contraire multiplier les contacts avec eux. Il n’y a qu’ainsi qu’il pourra atteindre son ambition ultime d’être englobant et inclusif avec toutes les populations. En effet, le mouvement arrive maintenant à un pallier où il doit aller convaincre au-delà des quelques pourcents de la population qui adhèrent naturellement à ses idées. Et pour cela, il doit d’abord éviter absolument le jargon qui sépare et entretient les clivages. Le langage du mouvement de réinvention doit être compris de tous.

Ne cédons pas au communautarisme et à l’entre-soi. Au contraire, reconnaissons que nous avons besoin de tous et que nous n’en sommes qu’au commencement. Acceptons-le et présentons ce mouvement comme justement quelque chose qui bouge, qui doute, qui s’ouvre, qui évolue, qui apprend de ses erreurs, qui s’adapte au gré des découvertes et des expériences menées, tout en gardant son cap, celui d’un d’un monde vraiment durable et équitable. Cette capacité de remise en cause et d’ouverture sera sa force et c’est ainsi que tout le monde se sentira appelé à y contribuer en apportant les idées les plus curieuses et audacieuses. Si les idées miracle étaient déjà là, cela se saurait. Même si l’urgence est grande, il est important de continuer les expérimentations, d’explorer sans a priori et avec bienveillance les zones aux frontières de la connaissance, les idées les plus folles.

Les fous, les marginaux, les rebelles, les anticonformistes, les dissidents… Tous ceux qui voient les choses différement, qui ne respectent pas les règles. Vous pouvez les admirez ou les désapprouver, les glorifier ou les dénigrer. Mais vous ne pouvez pas les ignorer. Car ils changent les choses. Ils inventent, ils imaginent, ils explorent. Ils créent, ils inspirent. Ils font avancer l’humanité. Là où certains ne voient que folie, nous voyons que du génie. Car seuls ceux qui sont assez fous pour changer le monde y parviendront.
Jack Kerouac.

Comme le disait Einstein « si une idée ne paraît pas folle au départ, elle n’a aucun espoir ». Il faudra accepter avec bienveillance que certaines de ces idées ne marcheront pas ou qu’elles seront inadaptées pour un passage à l’échelle. De l’expérience en laboratoire à la généralisation au niveau régional, national ou planétaire, il y aura une multitude d’obstacles non anticipés et riches d’apprentissages. Le début du Siècle bleu devra être consacré aux expérimentations et nous devrons les juger sans nous mentir sur là où nous en sommes, sur ce que nous savons et surtout sur ce que nous ne savons pas.

L’écologie a trop souffert depuis vingt ans de solutions qui n’en étaient pas encore, qui n’étaient pas aisément généralisables (et c’est là tout l’enjeu), qui ont causé des dommages encore pire dans leur généralisation (pensez aux biocarburants de première génération et à ses conséquences sur la déforestation) ou qui n’ont pu conduire qu’à des changements du système à la marge, sans s’attaquer vraiment aux principaux problèmes : l’état d’esprit, le comportement et les valeurs. Les réponses proposées étaient trop souvent techniques, technocratiques ou technoéconomiques alors qu’il nous fallait viser une véritable transformation des systèmes, des comportements, des esprits et des cœurs. Rien de moins. Les concepts de « développement durable » ou de « croissance verte » avec tous leurs non-dits et leurs impensés ont certes permis une prise de conscience et des avancées significatives, mais ils n’ont pas réussi à découpler croissance et utilisation des matières premières ni à réduire les inégalités qui menacent la société d’effondrement. Trop tolérants et trop flous, ils ont permis aux plus mauvais élèves de pratiquer le greenwashing et de continuer à ne rien changer. Le même risque se profile aujourd’hui avec certains modèles qui se prétendent issus de l’économie du partage et du don, alors qu’ils ne sont qu’une nouvelle forme d’ultralibéralisme déguisée. Le socialwashing est le prochain écueil. Il y en aura d’autres. En échouant, ces concepts ont par le passé créé une immense déception qui a découragé les plus mobilisés et in fine renforcé le mouvement du statu quo. Ne reproduisons pas le même scénario.

Les défis du mouvement de transition

Compte tenu de l’aggravation des crises sociales, économiques et environnementales, de l’urgence grandissante et de la vitesse exponentielle à laquelle le monde évolue, plusieurs grandes questions se posent sur le mouvement de transition.

Proposera-t-il des innovations sociales et techniques suffisamment en rupture pour endiguer les fléaux et nous entraîner vers un monde vraiment durable ? Saura-t-il mettre un terme à la frénésie de consommation des ressources ? Saura-t-il concilier épanouissement, confort et ressources finies ? Les solutions techniques pourront-elles être déployées à l’échelle des problèmes sans en engendrer d’autres encore pire ? De quelle ampleur des problèmes parle-t-on ? Notre planète et la biodiversité pourront-elles récupérer ? Le changement de comportement et l’évolution des pratiques sociales seront-ils viraux ? Le mouvement sera-t-il assez fort et rapide pour remplacer le système actuel, véritable rouleau compresseur qui se défendra avec la violence la plus extrême ? Ce monde alternatif répondra-t-il aux besoins et aux aspirations des bientôt huit milliards d’humains avec leurs travers et leurs désirs ? Est-ce que ça marche et ça tient vraiment économiquement ? Est-ce que le chômeur français de longue durée et l’ouvrier-enfant bengali s’identifieront, se retrouveront et cesseront de souffrir dans ce nouveau monde ?

Ces interrogations ont guidé cet essai mais ce ne sont pas vraiment les bonnes. La véritable question n’est pas de savoir si le mouvement de transition peut y parvenir mais de rechercher comment il peut y parvenir. Nous n’avons en effet ni le choix ni le temps pour un nouvel échec.

Comment aider ce mouvement à surmonter les freins individuels et collectifs au changement ? Comment lui permettre de changer les mentalités, les institutions et les infrastructures malgré tous les opposants à cette transformation et dans un temps le plus court possible ? Quelles valeurs peuvent permettre ce changement ? Comment permettre leur viralité ? Quelles sont les conséquences sociétales et humaines de la transition ? Comment les gérer ? Là sont les véritables enjeux du Siècle bleu qu’il est nécessaire d’explorer.

Vu l’immensité de ces questionnements, ce livre n’a pour ambition que d’y apporter certains éléments de réponse. Pour y répondre totalement, il faudra un grand chantier collectif. Puisse ce livre être une petite pierre à l’édifice.

 

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