Le site de la Révolution des Fourmis

A la fin juin 1996, je tombe par hasard sur une affiche dans une petite librairie près de chez moi à la Porte d’Orléans indiquant que Bernard Werber viendra y dédicacer son dernier livre La Révolution des Fourmis, que je venais justement de finir. Clôturant sa trilogie, ce livre raconte l’histoire d’une révolution qui s’appuierait sur Internet (le web était encore naissant à l’époque) et sur les bonnes idées que l’on pourrait reprendre des autres civilisations animales (les fourmis en premier lieu évidemment). Le roman explore également les plus grandes utopies de l’histoire humaine.

Je me rends donc à la séance de dédicace avec quelques copains. J’avais apporté à Bernard Werber quelques documents sur la vie artificielle qui ont eu l’air de l’intéresser, et il nous a demandé de rester jusqu’à la fin de la dédicace pour continuer à discuter. On part ensuite avec lui car il habite en fait à côté de la librairie. Arrivés en bas de chez lui, il nous propose de monter car il vient d’avoir Internet et souhaiterait qu’on lui montre des trucs originaux. On restera avec lui jusqu’à 11 heures du soir et en partant il me propose de faire, à titre bénévole, le site Internet décrit dans La Révolution des Fourmis. Je lui avoue aussi qu’après avoir fini le bouquin j’avais couru sur le net et j’avais été déçu de ne rien trouver. La proposition me ravit donc et elle tombait bien car j’avais justement deux mois de vacances à ne rien faire. Après cette rencontre, je suis parti dans une soirée techno au fin fond de la banlieue parisienne et au petit matin l'idée d'un roman m'est venu, à l'époque il s'appelait Gaïa, j'ai encore les notes que j'avais prises en retour de soirée ! Il y avait beaucoup de choses à jeter, mais cela deviendrait Siècle bleu.


Le site est lancé en septembre 1996 et attire très vite une communauté virtuelle très vaste, de tous les âges et de tous les horizons sociaux. Ce qui la réunit c’est d'abord les livres de Bernard Werber mais surtout la volonté de bâtir un monde meilleur. L’écrivain, qui ne veut surtout pas paraître pour un gourou, me donne les commandes du site et me dit que je peux en faire ce que j'en veux. Après deux ans, le site – que je gère pendant mon temps libre depuis Chicago – devient une fédération, avec de multiples excroissances proposées et gérées par des internautes de la communauté (bibliothèque interactive, serveur d’énigmes, jeu de rôle de la fin minde. J’hésite à en faire un véritable mouvement mais je suis encore trop jeune et je ne me sens pas prêt. J’ai également aussi envie de mener ma propre initiative sans l’ombre portée (aussi discrète soit elle) de qui que ce soit. Je passe donc la main à un autre groupe d’administrateurs et malheureusement le site s’essouffle et meurt assez vite.

Je garde un souvenir très fort de cette période d'expérimentation. Cela m'avait beaucoup intéressé d'être situé au carrefour entre la fiction et la réalité et les visiteurs du site étaient passionnés/passionnants. Je regrettais seulement que les liens de cette communauté virtuelle ne soit pas assez fort (c'est pour cela que nous avions organisé plusieurs repas avec les participants du site) et d'ailleurs la communauté a depuis disparu comme si elle n'avait jamais existé. Je n'en ai gardé aucun contact et j'espère bien les retrouver un jour (ceci est un avis de recherche ! n'hésitez pas à me contacter si vous fréquentiez le site à l'époque). Cette expérience m'a aussi permis de cotoyer un écrivain et de me rendre compte qu'il n'était pas impossible d'écrire un roman.

J'imagine que certains vont poser la question, donc je vais y répondre : Bernard Werber vous a-t'il aidé à publier Siècle bleu ? La réponse est "oui" : il m'a donné le nom de son éditrice chez Albin Michel, à qui j'ai envoyé la première version du manuscrit (qui souffrait de nombreux défauts) et elle l'a détesté ! Je me suis donc débrouillé seul dans le marigot de l'édition et ce n'est donc pas grâce à Bernard Werber que j'ai rencontré mon éditeur, mais via Michèle Decoust (cf. anecdote sur la page Biosphere 2 de ce site).

Coïncidence troublante quand même : je me suis aperçu après quelques mois que Jacques Binsztok avait travaillé avec Bernard Werber sur le manuscrit "Les Fourmis" en 1991 lorsqu'il était chez Albin Michel !